Dès le lendemain de sa nomination à la Primature, Bah Oury a entamé des échanges avec les principaux acteurs sociopolitiques guinéens, les anciens Premiers ministres, les Forces Vives, les patrons de médias ainsi que les diplomates et les partenaires techniques et financiers.

À chaque occasion, le Premier ministre a exprimé sa préoccupation par rapport à la situation et interpellé ses interlocuteurs sur la nécessité de créer un dialogue pour geler les contentieux de la transition.

En recevant les représentants des coalitions politiques, le 25 mars 2024, dont l’ANAD et le FNDC politique, dirigées respectivement par Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, le chef du gouvernement avait insisté sur la nécessité de maintenir le contact entre le gouvernement et l’ensemble de la classe politique pour discuter des questions essentielles contribuant à la stabilité du pays. À cette rencontre, le RPG arc-en-ciel avait conditionné sa participation à la libération de leurs cadres détenus à la Maison centrale pour des faits présumés de corruption et de détournement des deniers publics.

“Certes, il y a des préoccupations d’ordre politique, de chronogramme, d’élections, de retour à l’ordre constitutionnel, mais il est également important que le Premier Ministre, chef de gouvernement, puisse rencontrer les acteurs politiques pour évoquer des sujets qui concernent la vie nationale sans pour autant que cela soit lié à des compétitions à caractère politique ou électoral”, avait alors souligné Bah Oury.

“Vous devez être informés de la situation nationale car pour diriger demain la Guinée, il faut que vous puissiez progressivement, pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, vous mettre dans la peau du futur dirigeant d’un État qui veut aller dans le sens de la stabilité, du respect des règles de droit et des règles constitutionnelles. (…) Les rencontres seront régulières, le dialogue ce n’est pas simplement évoquer des questions à caractère électoral”, avait ajouté le chef du gouvernement.

Le sabotage

Au sortir de cette rencontre, les acteurs politiques avaient formulé l’espoir d’un début de “dialogue franc” avec les autorités de la transition sur la question du retour à l’ordre constitutionnel. Le porte-parole du gouvernement vient ainsi d’éclabousser les bonnes intentions du Premier ministre dans une interview accordée à Africaguinee.com. Ousmane Gaoual Diallo fait porter la responsabilité du manque de dialogue aux acteurs membres des Forces vives de Guinée. “On ne peut pas d’un côté, vouloir que son pays avance vers le progrès et de l’autre ne pas créer les conditions pour ça. Les Forces vives ne se sont jamais prêtées à aucun dialogue depuis le début de la Transition. Or, nous voulons que les acteurs membres des Forces vives contribuent à la stabilité, à la paix et à la bonne marche de cette transition”. Des propos “pyromanes”, selon Rafiou Sow, membre de l’ANAD pour saper les bons efforts afin de maintenir le statu quo.

“C’est bien qu’ils aient répondu à l’invitation du Premier ministre Bah Oury. À l’époque du Premier ministre Mohamed Beavogui, certains étaient venus répondre, mais cela n’avait pas duré. Il faut que les Guinéens regardent l’intérêt de leur pays et qu’on sorte des calculs politiciens, juste pour mettre les bâtons dans les roues de l’autre. Parce que finalement, s’il n’y a pas de progrès pendant cette transition, c’est la Guinée qui aura perdu. Si on veut que la Guinée avance, il faut d’abord accepter le dialogue”, a laissé entendre Ousmane Gaoual Diallo, par ailleurs ministre des Transports.

Au lieu d’aider à consolider les acquis et pérenniser l’initiative du chef du gouvernement, ces propos sont plutôt du “sabotage”. L’argument du ministre ne vise qu’une seule chose : attiser les hostilités entre les parties prenantes et tuer tout espoir de dialogue. Au temps du Premier ministre Mohamed Beavogui, les acteurs des Forces vives – à l’époque regroupées au sein du Quatuor (ANAD, FNDC politique, RPG Arc-en-ciel et CORED) – avaient montré leur disposition à participer au cadre de dialogue. Avant qu’ils ne se soient rétractés à la suite des manœuvres de Mory Condé, ministre d’alors de l’Administration du territoire et de la décentralisation qui, avec son fameux “cadre de dialogue et de concertation”, avait torpillé les initiatives du chef du gouvernement. Mohamed Beavogui avait été mis en minorité au sein de son propre gouvernement, ce qui d’ailleurs, selon les indiscrétions, avait précipité sa démission.

La méthode reste donc la même : empêcher toute initiative de dialogue de prospérer, quitte à jouer un mauvais tour au Premier ministre qui au regard de la Charte de la transition est le garant du dialogue social. On peut déduire que l’objectif d’une telle démarche n’est autre que discréditer Bah Oury aux yeux de la classe politique, créer ainsi une crise de confiance entre eux, et se servir du manque de dialogue comme prétexte pour justifier le glissement du chronogramme de la transition devenu inéluctable. S’il refuse de jouer le jeu contrairement à son prédécesseur Bernard Goumou, Bah Oury apprendra à ses dépens comme Mohamed Beavogui, qu’il n’a que son titre sans aucune marge de manœuvre.
Source Guinee360