Malgré des progrès en matière de prévention et de traitement ces dernières décennies, le paludisme reste encore un véritable fléau endémique qui contribue à paralyser le développement socio-­économique de plusieurs pays. En 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que la mortalité attribuable au paludisme chez les enfants de moins de 5 ans en Afrique subsaharienne constituait 77 % de la mortalité globale due au paludisme, estimée à 896 000 décès.1
La mise au point d’un vaccin, objet d’études et essais depuis des décennies, nourrissait donc légitimement un espoir pour les pays où sévit le paludisme.
Ce vaccin, mis au point par le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) et dénommé RTS,S/AS01 (Mosquirix), a été conçu en 1987, et l’étude pilote de son déploiement a débuté en 2019 dans trois pays africains : le Ghana, le Malawi et le Kenya.2, 3 En octobre 2021, l’OMS a recommandé son utilisation à grande échelle chez les jeunes enfants, dans les zones où la transmission du paludisme à Plasmodium falciparum est modérée à élevée.3
Cette recommandation de vaccination par le RTS,S/AS01 a constitué une bonne nouvelle même si l’efficacité du vaccin utilisé seul, reste modeste. Des études sont en cours pour améliorer son efficacité et explorer la possibilité de mettre au point un autre vaccin beaucoup plus efficace, selon les normes de la stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme de l’OMS 2016-2030.4 L’accessibilité et l’acceptabilité du vaccin dans les pays concernés deviennent matière à débat dans les milieux scientifiques et politiques, et très peu d’informations sont disponibles sur la manière dont les programmes nationaux de vaccination envisagent de mettre en œuvre la recommandation de l’OMS.

Que signifie le nom de ce vaccin, RTS,S/AS01 ?
La mise au point de RTS,S utilise la technique acquise pour le développement du vaccin Engerix-B de GSK contre l’hépatite B. L’antigène de surface de l’hépatite B a été utilisé comme matrice porteuse de la région répétition centrale de la protéine circumsporozoïte (CSP) exprimée à la surface du sporozoïte (souche Plasmodium falciparum NF54). La région terminale CSP C a également été ajoutée. Elle contient des épitopes (déterminants anti­géniques) des lymphocytes B et T. Le vaccin ainsi formé porte le nom de RTS,S/AS01 :
– « R » représente la région de répétition centrale, qui est constituée d’une chaîne de polypeptides (tétrapeptide) correspondant à une séquence d’acides aminés NAMP répétitive et hautement conservée ;
– « T » représente les épitopes des lymphocytes T séparés par des épitopes CD4 et CD8 immuno-dominants (Th2R et Th3R) ; le peptide RT combiné est génétiquement fusionné à la région N-terminale de l’antigène de surface de l’hépatite B (HBs­Ag) ;
– la partie « S » (surface), lorsqu’elle est co-exprimée dans les cellules de levure, produit des particules ressemblant à des virus qui présentent à la fois CSP et S à sa surface ;
– le deuxième « S » désigne un HBs­Ag non fusionné qui fusionne spontanément avec le composant RTS, d’où le nom « RTS,S ». L’antigène RTS,S offre une présentation optimale au système immunitaire et facilite probablement les fortes réponses d’anticorps anti-CSP et des lymphocytes T spécifiques mesurées chez les personnes vaccinées ;
– AS01 désigne l’adjuvant composé et utilisé par le laboratoire GSK.2

Une action ciblée
Mosquirix est un vaccin à protéine recombinante contenant 25 mg de RTS,S et suscitant une immunité humorale et cellulaire contre la protéine CSP, principalement exprimée dans les sporozoïtes.2, 5 Le sporozoïte est la forme parasitaire inoculée par le moustique, qui a la propriété de pénétrer dans le foie pour s’y multiplier, avant d’en sortir sous forme mérozoïte pour infecter les hématies (figure). Le vaccin RTS,S induit la production d’anticorps contre la protéine CSP qui immobilisent les sporozoïtes, entravant de ce fait l’infection des cellules du foie, au sein duquel l’immunité à médiation cellulaire amplifie la protection contre l’infection ultérieure des hématies.6
La protection que confère l’immunisation par la vaccination diminue avec le temps et est corrélée au niveau d’anticorps anti-CSP.7 Le vaccin n’induit donc pas une immunité contre tous les stades de l’infection. Il agit au niveau de la phase pré-érythrocytaire en limitant l’invasion du foie, puis la multiplication intrahépatique de Plasmodium, réduisant ainsi sa capacité à infecter les érythrocytes ; il fonctionnerait comme un filtre pour limiter la poursuite du cycle parasitaire. Ce vaccin confère aussi une immunisation contre l’hépatite B, dans la mesure où le vaccin exprime des épitopes de l’antigène HbS ;8 cependant, il ne doit pas être utilisé uniquement dans ce but.9

Des essais cliniques de phase III concluants
Les essais de phase III pour le vaccin RTS,S/AS01 ont été réalisés de 2009 à 2014 dans sept pays d’Afrique subsaharienne avec 15 459 participants dont 8 922 enfants âgés de 5 à 17 mois et 6 537 nourrissons âgés de 6 à 12 semaines. Les études ont été réalisées en double aveugle. Leur objectif était d’évaluer l’efficacité et la tolérance du vaccin sur une année de suivi après la troisième dose dans les deux groupes d’âge ainsi que l’efficacité d’une quatrième dose au bout d’une année de suivi. Les résultats de cette phase clinique sont résumés dans le tableau.2 Le vaccin RTS,S a montré une innocuité similaire à celle des autres vaccins administrés chez les enfants. Des convulsions fébriles ont été signalées, plus fréquemment chez les enfants pour qui la vaccination a été débutée à l’âge de 5 mois, surtout après la troisième dose,2 sans aucune complication grave. Une autre étude de l’OMS menée par la suite au Kenya auprès d’enfants atteints du VIH, aux stades 1 et 2, a cependant révélé que le vaccin était bien toléré dans ce groupe d’enfants et qu’il peut donc être inclus en toute sécurité dans un programme vaccinal.2
Ces données cliniques de phase III ont permis la réalisation d’études de modélisation, projetant que quatre doses du vaccin administrées permettraient d’éviter 116 480 cas de paludisme et 484 décès associés pour 100 000 enfants entièrement vaccinés sur une période de quinze ans.10
Administrer le vaccin chez des nourrissons pour ne pas multiplier les injections semblerait idéal, mais cette option est associée à une plus faible efficacité vaccinale.
Il a donc été proposé de débuter la vaccination à partir de l’âge de 5 mois.

Un premier vaccin contre le paludisme recommandé par l’OMS
Recommandé par l’OMS depuis octobre 2021 chez les enfants en zone endémique, le premier vaccin contre le paludisme, RST,S/AS01 (Mosquirix), est un vaccin à protéine recombinante contre le paludisme à Plasmodium falciparum. Bien que son efficacité reste modeste, il constitue un outil supplémentaire qui suscite des espoirs mais ne doit toutefois pas faire oublier les autres mesures préventives, même pour les personnes vaccinées.

Malgré des progrès en matière de prévention et de traitement ces dernières décennies, le paludisme reste encore un véritable fléau endémique qui contribue à paralyser le développement socio-­économique de plusieurs pays. En 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que la mortalité attribuable au paludisme chez les enfants de moins de 5 ans en Afrique subsaharienne constituait 77 % de la mortalité globale due au paludisme, estimée à 896 000 décès.1
La mise au point d’un vaccin, objet d’études et essais depuis des décennies, nourrissait donc légitimement un espoir pour les pays où sévit le paludisme.
Ce vaccin, mis au point par le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) et dénommé RTS,S/AS01 (Mosquirix), a été conçu en 1987, et l’étude pilote de son déploiement a débuté en 2019 dans trois pays africains : le Ghana, le Malawi et le Kenya.2, 3 En octobre 2021, l’OMS a recommandé son utilisation à grande échelle chez les jeunes enfants, dans les zones où la transmission du paludisme à Plasmodium falciparum est modérée à élevée.3
Cette recommandation de vaccination par le RTS,S/AS01 a constitué une bonne nouvelle même si l’efficacité du vaccin utilisé seul, reste modeste. Des études sont en cours pour améliorer son efficacité et explorer la possibilité de mettre au point un autre vaccin beaucoup plus efficace, selon les normes de la stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme de l’OMS 2016-2030.4 L’accessibilité et l’acceptabilité du vaccin dans les pays concernés deviennent matière à débat dans les milieux scientifiques et politiques, et très peu d’informations sont disponibles sur la manière dont les programmes nationaux de vaccination envisagent de mettre en œuvre la recommandation de l’OMS.

Que signifie le nom de ce vaccin, RTS,S/AS01 ?
La mise au point de RTS,S utilise la technique acquise pour le développement du vaccin Engerix-B de GSK contre l’hépatite B. L’antigène de surface de l’hépatite B a été utilisé comme matrice porteuse de la région répétition centrale de la protéine circumsporozoïte (CSP) exprimée à la surface du sporozoïte (souche Plasmodium falciparum NF54). La région terminale CSP C a également été ajoutée. Elle contient des épitopes (déterminants anti­géniques) des lymphocytes B et T. Le vaccin ainsi formé porte le nom de RTS,S/AS01 :
– « R » représente la région de répétition centrale, qui est constituée d’une chaîne de polypeptides (tétrapeptide) correspondant à une séquence d’acides aminés NAMP répétitive et hautement conservée ;
– « T » représente les épitopes des lymphocytes T séparés par des épitopes CD4 et CD8 immuno-dominants (Th2R et Th3R) ; le peptide RT combiné est génétiquement fusionné à la région N-terminale de l’antigène de surface de l’hépatite B (HBs­Ag) ;
– la partie « S » (surface), lorsqu’elle est co-exprimée dans les cellules de levure, produit des particules ressemblant à des virus qui présentent à la fois CSP et S à sa surface ;
– le deuxième « S » désigne un HBs­Ag non fusionné qui fusionne spontanément avec le composant RTS, d’où le nom « RTS,S ». L’antigène RTS,S offre une présentation optimale au système immunitaire et facilite probablement les fortes réponses d’anticorps anti-CSP et des lymphocytes T spécifiques mesurées chez les personnes vaccinées ;
– AS01 désigne l’adjuvant composé et utilisé par le laboratoire GSK.2

Paludisme
Une action ciblée
Mosquirix est un vaccin à protéine recombinante contenant 25 mg de RTS,S et suscitant une immunité humorale et cellulaire contre la protéine CSP, principalement exprimée dans les sporozoïtes.2, 5 Le sporozoïte est la forme parasitaire inoculée par le moustique, qui a la propriété de pénétrer dans le foie pour s’y multiplier, avant d’en sortir sous forme mérozoïte pour infecter les hématies (figure). Le vaccin RTS,S induit la production d’anticorps contre la protéine CSP qui immobilisent les sporozoïtes, entravant de ce fait l’infection des cellules du foie, au sein duquel l’immunité à médiation cellulaire amplifie la protection contre l’infection ultérieure des hématies.6
La protection que confère l’immunisation par la vaccination diminue avec le temps et est corrélée au niveau d’anticorps anti-CSP.7 Le vaccin n’induit donc pas une immunité contre tous les stades de l’infection. Il agit au niveau de la phase pré-érythrocytaire en limitant l’invasion du foie, puis la multiplication intrahépatique de Plasmodium, réduisant ainsi sa capacité à infecter les érythrocytes ; il fonctionnerait comme un filtre pour limiter la poursuite du cycle parasitaire. Ce vaccin confère aussi une immunisation contre l’hépatite B, dans la mesure où le vaccin exprime des épitopes de l’antigène HbS ;8 cependant, il ne doit pas être utilisé uniquement dans ce but.9

Des essais cliniques de phase III concluants
Les essais de phase III pour le vaccin RTS,S/AS01 ont été réalisés de 2009 à 2014 dans sept pays d’Afrique subsaharienne avec 15 459 participants dont 8 922 enfants âgés de 5 à 17 mois et 6 537 nourrissons âgés de 6 à 12 semaines. Les études ont été réalisées en double aveugle. Leur objectif était d’évaluer l’efficacité et la tolérance du vaccin sur une année de suivi après la troisième dose dans les deux groupes d’âge ainsi que l’efficacité d’une quatrième dose au bout d’une année de suivi. Les résultats de cette phase clinique sont résumés dans le tableau.2 Le vaccin RTS,S a montré une innocuité similaire à celle des autres vaccins administrés chez les enfants. Des convulsions fébriles ont été signalées, plus fréquemment chez les enfants pour qui la vaccination a été débutée à l’âge de 5 mois, surtout après la troisième dose,2 sans aucune complication grave. Une autre étude de l’OMS menée par la suite au Kenya auprès d’enfants atteints du VIH, aux stades 1 et 2, a cependant révélé que le vaccin était bien toléré dans ce groupe d’enfants et qu’il peut donc être inclus en toute sécurité dans un programme vaccinal.2
Ces données cliniques de phase III ont permis la réalisation d’études de modélisation, projetant que quatre doses du vaccin administrées permettraient d’éviter 116 480 cas de paludisme et 484 décès associés pour 100 000 enfants entièrement vaccinés sur une période de quinze ans.10
Administrer le vaccin chez des nourrissons pour ne pas multiplier les injections semblerait idéal, mais cette option est associée à une plus faible efficacité vaccinale.
Il a donc été proposé de débuter la vaccination à partir de l’âge de 5 mois.

Les résultats de la phase pilote sont positifs à court terme
L’étude pilote a été lancée en 2019 au Malawi, au Ghana et au Kenya : plus de 20 millions de doses de vaccin ont été administrées. Plus des deux tiers des enfants de ces trois pays qui ne dormaient pas sous une moustiquaire ont pu bénéficier du vaccin, et environ 90 % des enfants de ces pays ont pu avoir accès à au moins une intervention préventive. De plus, la tolérance de la vaccination dans la population s’est révélée acceptable. Les campagnes de vaccination n’ont pas montré un impact négatif significatif ni sur les autres vaccinations infantiles ni sur les autres mesures préventives contre le paludisme. Cette phase pilote a également montré une réduction significative de 30 % du paludisme grave chez l’enfant dans les trois pays. Une diminution d’efficacité vaccinale au fil du temps a été constatée, ne remettant cependant pas en cause la stratégie vaccinale proposée pour ces enfants.11

Les avantages démontrés lors de cette phase pilote ont servi de référence à l’OMS en octobre 2021 pour recommander l’introduction du vaccin à grande échelle afin d’améliorer la santé infantile et de sauver des vies. Le vaccin RTS, S/AS01 permettrait d’accroître l’équité en matière d’accès à la prévention du paludisme.12
L’OMS estime également que son profil d’innocuité est largement favorable à son déploiement et que l’introduction de ce vaccin ne réduira pas l’utilisation des autres mesures préventives déjà existantes telles que les moustiquaires imprégnées d’insecticides.

Une arme supplémentaire dans la prévention du paludisme
Une étude7 a montré que la vaccination RTS,S/AS01 a une efficacité comparable à celle de la chimioprévention du paludisme saisonnier (CPS) par sulfadoxine-pyriméthamine et amodiaquine. Cette étude a été conduite au Burkina Faso et au Mali sur plus de 6 000 enfants de 5 à 17 mois entre 2017 et 2020. Après une primovaccination, le rappel du vaccin RTS, S/AS01 a été administré au début de la saison des pluies à un groupe d’enfants, en même temps que la CPS. Après trois ans de suivi, l’étude montre que cette combinaison (vaccination + CPS) a permis de réduire d’environ 63 % le nombre de cas de paludisme, d’environ 70 % les hospitalisations et d’environ 73 % le nombre de décès en comparaison de deux groupes d’enfants, l’un ayant reçu le vaccin seul et l’autre la CPS seule.7
Cette synergie d’action pourrait amplifier l’efficacité des mesures préventives au Sahel, où la CPS est déjà pratiquée depuis plusieurs années.

Schéma vaccinal en quatre doses
RTS,S/AS01 se présente sous forme de poudre et suspension pour préparation injectable. Il est administré par voie intramusculaire. Le schéma vaccinal est constitué de quatre doses. La première est administrée à l’âge de 5 mois. Les deux suivantes sont injectées mensuellement avant l’âge de 9 mois et la quatrième doit être administrée entre 15 et 18 mois.2
RTS,S/AS01 n’a pas pour indication la vaccination des adultes en zone d’endémie ou encore des voyageurs, chez qui son efficacité et sa tolérance n’ont pas été évaluées.

Un vaccin qui suscite espoirs et inquiétudes
La recommandation de l’OMS en 2021 visant à intégrer le RTS, S/AS01 dans les programmes nationaux de vaccination en zone d’endémie est de bon augure pour plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. La perspective de la mise au point d’autres vaccins vient aussi renforcer et nourrir l’espoir d’avoir un jour un vaccin efficace répondant aux objectifs d’élimination du paludisme donnés par l’OMS.

L’efficacité du RTS, S/AS01 est très en deçà d’un niveau optimal d’efficacité attendu pour un vaccin contre le paludisme, fixé à 75 % par l’OMS. Ceci a suscité des réflexions éthiques dans la communauté scientifique : pourquoi autoriser un vaccin antipaludique à faible efficacité, alors que certains vaccins candidats, comme R21/Matrix-M en cours de développement clinique, sont beaucoup plus prometteurs ? Pour certains, la décision de l’OMS nécessite une justification éthique pour être recevable par les gouvernants des pays concernés.13 Cette justification doit se fonder sur un certain nombre de principes comme : l’innocuité ; le rapport bénéfice-risque favorable de ce vaccin pour les populations concernées ; le choix libre et éclairé des parents par une sensibilisation sur l’effet limité du vaccin et la nécessité de ne pas abandonner d’autres mesures préventives efficaces (comme l’utilisation de la moustiquaire) ; enfin, l’équité dans l’accès gratuit ou fortement subventionné au vaccin, afin que sa faible efficacité n’absorbe pas les efforts et les moyens des autres mesures préventives.13
Des inquiétudes demeurent sur le respect de ces principes. Les autorités sanitaires, les gouvernants et la population accepteront-ils un vaccin à efficacité faible ? Quelles conditions seront fixées par les bailleurs de fonds (en premier lieu desquels Gavi, l’alliance du vaccin) aux pays concernés, dont la plupart manquent de moyens, pour le financement de ce déploiement ? La gratuité du vaccin est cruciale pour réduire les dépenses de santé des pays concernés et des individus qui consacrent déjà des sommes importantes à la prévention et au traitement des cas de paludisme.
Une des grandes inquiétudes est également qu’un vaccin antipaludique à efficacité faible ne contribue, au contraire, à une forte transmission du paludisme si les campagnes de vaccination ne sont pas accompagnées d’une juste sensibilisation sur l’effet limité du vaccin et la nécessité de poursuivre la pratique des autres mesures préventives même pour les personnes vaccinées. N’y aurait-il pas un recul de la prévention par l’utilisation de la moustiquaire, dont l’efficacité, selon les études, dépasse largement les 30 % ?
Certains spécialistes africains craignent que le vaccin produise un impact négatif, contrairement à ce qui est attendu,14 en diffusant un sentiment erroné de sécurité vis-à-vis du paludisme, tant pour les populations que pour les professionnels de santé. En effet, il faut continuer à évoquer le diagnostic de paludisme devant toute fièvre, y compris chez les enfants vaccinés. La pédagogie de santé à entreprendre sera importante, pour permettre aux populations de cerner l’utilité et les limites de cette vaccination.
De plus, dans les pays concernés par la recommandation de l’OMS, la mise en place d’une vaccination à faible efficacité ne risque-t-elle pas d’absorber les moyens financiers destinés aux autres mesures préventives ?
À tout cela s’ajoute aussi la crainte que le protocole vaccinal avec le RTS, S/AS01 ne soit très lourd à appliquer et à suivre dans certains pays qui peinent déjà à vacciner la population pédiatrique. En effet, pour espérer atteindre le taux d’efficacité protectrice de 30 %, il faut que les quatre doses aient été administrées en une année. Pour combien d’enfants ce schéma vaccinal pourra-t-il être complètement respecté ? Les moyens mis en œuvre lors de la phase pilote de déploiement seront-ils disponibles au sein des programmes nationaux de vaccination ?
Enfin, il est probable que l’offre vaccinale ne satisfera pas à la demande (si on se réfère strictement à l’indication) dès le démarrage de ce vaste déploiement.

D’autres vaccins antipaludiques en perspective
L’objectif de l’OMS est de mettre en place une vaccination antipaludique efficace à 75 % d’ici à 2030.4 Actuellement, plusieurs recherches sont menées dans ce sens. Le vaccin RTS, S/AS01 est un vaccin antisporozoïte. Il sert de modèle à d’autres vaccins candidats en cours d’élaboration utilisant des techniques similaires ou différentes comme les nanoparticules R21, l’ARNm et autres.4 Récemment, des travaux conjoints entre l’université d’Oxford et l’Institut de recherche en science de la santé de Nanoro au Burkina Faso ont permis de concevoir un vaccin candidat dénommé R21/Matrix-M ; il est composé d’une protéine recombinante spécifique au parasite (pro­téine circumsporozoïte R21) et d’un adjuvant, Matrix-M. Les premiers résultats indiquent une efficacité de 75 % chez les enfants, un an après l’administration de trois doses.
D’autres travaux en cours au Mali chez des adultes étudient la possibilité de mettre au point un vaccin à base…

Alors que le monde entier fait face à de nouveaux défis sanitaires tels que la pandémie de Covid-19, le paludisme reste un problème majeur de santé publique. Dans ce contexte, le vaccin RTS, S/AS01 est un outil supplémentaire dans la lutte visant à faire reculer le paludisme. Ce premier vaccin ne doit surtout pas réduire les moyens déjà engagés dans la prévention contre le paludisme au risque de perdre de précédents acquis. Enfin, l’objectif de trouver un vaccin beaucoup plus efficace que RTS, S/AS01 pour un bénéfice sanitaire plus large demeure.
Dans les mois à venir, les pays d’Afrique subsaharienne et d’autres pays endémiques, qui ont accueilli les recommandations de l’OMS sans hostilité ni euphorie, devront prendre des décisions de politique sanitaire afin d’intégrer ou non le vaccin antipaludique RTS, S/AS01 dans leurs programmes nationaux de lutte et de prévention contre le paludisme.

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