Soixante-quatre personnes dont 49 civils et 15 soldats ont été tuées jeudi dans deux attaques « terroristes revendiquées » par Al Qaïda et ayant visé un bateau de transport de passagers et une base de l’armée dans le nord du Mali, où un deuil national de 3 jours a été décrété à partir de vendredi.

Les deux attaques distinctes ont visé « le bateau Tombouctou » sur le fleuve Niger et « la position de l’armée » à Bamba, dans la région de Gao (nord), avec « un bilan provisoire de 49 civils et 15 militaires tués », selon un communiqué du gouvernement qui ne précise pas combien de personnes sont mortes sur le navire et dans le camp, des assauts « revendiqués » par un groupe affilié à Al-Qaïda.

« Aux environs de 11 heures (heure locale et GMT), les groupes armés terroristes, dans leur dessein funeste, ont attaqué un bateau de la Comanav » dans le secteur de Gourma-Rharous, entre Tombouctou et Gao, a dit l’armée malienne sur les réseaux sociaux.

Le bateau a été visé par « au moins trois roquettes tirées contre le moteur », a dit à l’AFP la Compagnie malienne de navigation (Comanav), qui assure avec quelques bâtiments une importante liaison sur plusieurs centaines de kilomètres de Koulikoro, près de Bamako, jusqu’à Gao, en passant par les grandes villes sur le fleuve.

C’est le Tombouctou, pouvant transporter environ 300 passagers, qui a été touché, ont dit des agents de la Comanav sous le couvert de l’anonymat sans se prononcer sur le nombre de personnes effectivement à bord.

Le Tombouctou a été fortement endommagé, mais est resté à flot et a pu accoster, a dit un responsable militaire local sous le couvert de l’anonymat. Des soldats se trouvaient à bord en guise d’escorte, dans le contexte de menace sécuritaire qui règne dans la région, a-t-il dit.

De rares images diffusées sur les réseaux sociaux et censées rendre compte de la situation, dans une zone à l’accès et aux communications difficiles, montrent un épais nuage de fumée noire s’élever au-dessus d’un paysage fluvial.

Le bateau « était de retour de Gao et était attendu normalement dimanche, au plus tard lundi à Koulikoro », a dit un agent de la Comanav sous couvert d’anonymat. Un bateau avait déjà été attaqué à la roquette le 1er septembre dans la région de Mopti, plus au sud, faisant un mort, un enfant de 12 ans, et deux blessés.

« La décision a été prise de continuer à naviguer, sans doute pour ne pas céder à la pression », a dit l’agent. Il a expliqué que la liaison fluviale était utilisée par une variété d’usagers, commerçants ou familles, et qu’elle paraissait plus sûre à beaucoup que la route.

Blocus
Cette attaque est intervenue quelques semaines après que le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), une alliance jihadiste affiliée à Al-Qaïda, a annoncé, début août, imposer un blocus à Tombouctou. De nombreux témoignages font état du blocage des routes autour de la ville, d’un arrêt des approvisionnements et d’une hausse des prix.

Le fleuve Niger est un lien vital dans un environnement exigeant. De gros bateaux convoient passagers et marchandises pendant la saison pluvieuse à la faveur de la montée des eaux.

Le blocus de Tombouctou coïncide avec la reconfiguration sécuritaire en cours autour de « la ville aux 333 saints » inscrite au patrimoine de l’humanité.

La mission de l’ONU (Minusma), poussée à partir du Mali par la junte au pouvoir, vient de quitter deux camps proches de Tombouctou, Ber et Goundam, transférés aux autorités maliennes. Cette prise de contrôle par l’Etat malien a donné lieu à des combats avec les jihadistes, mais aussi des accrochages avec les ex-rebelles touareg.

Tombouctou, avec ses quelques dizaines de milliers d’habitants aux confins du Sahara, est l’une des grandes villes du nord tombées entre les mains de rebelles touareg, puis de salafistes après le déclenchement de l’insurrection de 2012. Les forces françaises et maliennes ont repris la ville en 2013.

Les groupes à dominante touareg ont signé un accord de paix avec l’Etat malien en 2015 tandis que les jihadistes continuaient les hostilités. La violence s’est propagée au centre et au Burkina Faso et au Niger voisins, faisant des milliers de morts. Des militaires ont pris le pouvoir par la force tour à tour dans les trois pays depuis 2020 en invoquant la crise sécuritaire.

Les tensions récentes dans le nord du Mali font craindre pour la survie de l’accord de 2015.

Les militaires maliens ont poussé vers la sortie la force antijihadiste française en 2022 et la mission de l’ONU en 2023, et se sont tournés militairement et politiquement vers la Russie. Ils ont fait du rétablissement de la souveraineté l’un de leurs mantras. Mais de vastes étendues continuent d’échapper à leur contrôle et différents experts estiment que la situation sécuritaire s’est encore dégradée sous leur direction.

Avec AFP