Le commandant des forces spéciales qui ont renversé le président Alpha Condé le 5 septembre, en uniforme d’apparat beige, portant béret rouge et lunettes noires, a prêté serment devant la Cour suprême, peu après 12H30 (locales et GMT), lors d’une cérémonie au palais Mohammed-V de Conakry.

Mamady Doumbouya a juré « de préserver en toute loyauté la souveraineté nationale », de « consolider les acquis démocratiques, de garantir l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national« .

Il a par ailleurs assuré que, comme prévu par la « charte » de la transition, sorte d’acte fondamental publié lundi, ni lui ni aucun membre de la junte ou des organes de transition ne serait candidat aux futures élections, pour lesquelles aucune échéance n’a été donnée.

Mamady Doumbouya a assigné pour mission à cette transition une « refondation de l’Etat« , la rédaction d’une nouvelle Constitution, la lutte contre la corruption, la réforme du système électoral, la refonte du fichier électoral, l’organisation d’élections « libres, crédibles et transparentes » et la « réconciliation nationale« .

Avant de lui faire prêter serment, le président de la Cour suprême Mamadou Sylla a comparé la tâche du colonel Doumbouya au pilotage d’un navire « chargé de beaucoup d’événements douloureux, d’exigences nombreuses et d’attentes immenses et urgentes« . Il l’a appelé à ne pas se laisser dérouter « par la force des vagues de la démagogie et la tempête du culte de la personnalité« .

Dans l’assistance figuraient les ambassadeurs de Chine et de Russie et de pays africains, ainsi que le président de l’organe législatif de transition au Mali, le colonel Malick Diaw. Plusieurs pays occidentaux avaient limité leur présence à des diplomates de rang moindre.

Histoire tourmentée

Après deux coups de force au Mali voisin, le colonel Doumbouya a conduit le troisième putsch en un an en Afrique de l’Ouest, réalisé en quelques heures au prix d’un nombre indéterminé de vies humaines, les médias faisant état d’une dizaine à une vingtaine de morts.
Ce coup d’Etat s’inscrit dans l’histoire tourmentée de ce pays éprouvé, dirigé pendant des décennies depuis l’indépendance par des régimes autoritaires ou dictatoriaux. Largement condamné par la communauté internationale qui réclame la libération de M. Condé, 83 ans, il a en revanche été salué par des scènes de liesse parmi une population exaspérée par la pauvreté, la corruption et la répression du régime déchu.

A son rythme

La junte a dit qu’elle rendrait le pouvoir aux civils après des élections à la fin d’une période de transition. Mais elle n’a jamais précisé la durée de cette transition, qui doit encore être fixée d’un « commun accord » entre les militaires et les forces vives du pays, ni précisé ses plans.

Le colonel Doumbouya, colosse aux manières posées, toujours protégé de près par ses hommes et apparaissant toujours en public en treillis et coiffé de son béret, semble résolu à se laisser du temps, malgré les pressions internationales, conviennent les analystes.

La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), inquiète de l’instabilité et d’un effet de contagion dans une région où un certain nombre d’Etats sont malmenés, a réclamé des élections présidentielle et législatives sous six mois. Elle a décidé de geler les avoirs financiers des membres de la junte et de leur famille et de les interdire de voyage.

Depuis son avènement, celui que les communiqués officiels désignaient déjà comme président de la République avant même son investiture, a multiplié les propos rassurants envers les investisseurs et des partenaires étrangers. Il a garanti le respect des contrats miniers et fait rouvrir toutes les frontières aériennes et terrestres.

La « charte » de la transition confirme le colonel Doumbouya comme le nouvel homme fort de la Guinée, « chef de l’Etat et chef suprême des armées« , qui « détermine la politique de la Nation » et qui « peut prendre des ordonnances« . Le président Doumbouya nommera par décret un Premier ministre de transition, qu’il pourra révoquer.

Source TV5