a transition guinéenne est entrée dans sa phase charnière à moins d’un an de la fin du chronogramme fixé de commun accord entre le CNRD et la CEDEAO. Un glissement du calendrier est de plus en plus inéluctable au regard du retard accusé dans l’exécution des étapes de la transition. Tandis que l’institution sous régionale peine à apporter son appui aux autorités guinéennes pour le retour à l’ordre constitutionnel.

À la prise du pouvoir par le CNRD, le 5 septembre 2021, la CEDEAO avait fait une “condamnation de principe”, contre l’interruption illégale de l’ordre constitutionnel en Guinée, et de facto suspendu le pays de ses instances. Dans un premier temps, l’institution sous régionale avait exigé l’organisation des élections dans un délai de six mois.

Pour contraindre les putschistes à se plier à cette exigence, l’instance avait pris des sanctions allant de l’interdiction de voyage au gel des avoirs. Les autorités de Conakry avaient réagi en indiquant qu’elles n’ont ni des avoirs à l’étranger encore moins des besoins de voyager.

« La mission, pour nous, se passe en Guinée. Donc, pas besoin de voyager et qu’il n’y avait rien à geler sur nos comptes », avait rétorqué avec vigueur Amara Camara, actuel ministre Secrétaire général à la présidence.

C’est dans ce contexte qu’une mission ouest-africaine comprenant le président ivoirien, Alassane Ouattara, et ghanéen, Nana Akufo-Addo, a séjourné à Conakry le 17 septembre 2021. Cette visite n’avait visiblement pas pu lever le statu quo à cause de l’intransigeance des putschistes.

Après la récusation du diplomate ghanéen, Mohamed Ibn Chambas par les acteurs sociopolitiques guinéens, l’ancien président béninois, Thomas Boni Yayi, a été désigné, le 3 juillet 2022, comme médiateur de la CEDEAO pour la transition en Guinée.

Lors de sa première visite de prise de contact à Conakry, le 26 juin 2022, le médiateur avait rencontré les autorités de la transition et les acteurs politiques dont l’ANAD, le RPG Arc-en-ciel et alliés, la branche politique du FNDC, ainsi que la CORED. Les deux dernières fois, Boni Yayi aurait été empêché de les rencontrer par les autorités de la transition.

Cadre de dialogue

Après moult tractations entre différents acteurs, le CNRD finit par mettre en place un cadre de dialogue inter-guinéen lancé en novembre 2022 en présence du médiateur de la CEDEAO. Toutefois, les acteurs politiques et de la société civile membres des Forces vives, regroupant les partis et organisations les plus représentatifs, ont brillé par leur absence à la cérémonie. Ils ont exigé un cadre de dialogue inclusif entre, d’une part, les coalitions politiques opposées à la conduite de la transition et, d’autre part, le CNRD.

Accord CNRD-CEDEAO sur la durée de la transition

Une mission technique de la CEDEAO conduite par Dr Abdel Fatau Musah, commissaire aux affaires politiques, paix et sécurité de l’organisation, a séjourné à Conakry du 16 au 21 octobre 2022 afin de développer avec la partie guinéenne un chronogramme de transition acceptable.

Aux termes des travaux, dans un compromis dynamique, les experts de la CEDEAO et les experts de la Guinée ont conjointement élaboré un chronogramme de 10 points pour une durée de 24 mois à compter du 1er janvier 2023. A son tour, l’organisation sous régionale s’était engagée à accompagner techniquement et financièrement la transition guinéenne pour un retour à l’ordre constitutionnel dans le délai fixé.

Quid du respect des engagements ?

À moins d’un an de la fin du chronogramme de la transition, le retour à l’ordre constitutionnel semble être compromis au regard du retard accusé dans l’exécution des dix étapes du chronogramme. Dans son discours de nouvel an, le Général Mamadi Doumbouya a annoncé, sans préciser la date, le référendum constitutionnel courant 2024. Pendant ce temps, les deux étapes clé à savoir le RGPH4 et le RAVEC peinent à être réalisées.

Alors que le budget de la transition estimé à près 6 000 milliards peine à être mobilisé, les autorités guinéennes reprochent à la CEDEAO de n’avoir pas honoré ses engagements par rapport à la mobilisation des ressources.

“La CEDEAO a signé un accord avec nous où elle s’est engagée à nous aider à lever des ressources. Mais à chaque fois que nous leur adressons une lettre pour voir quels sont les efforts en cours pour nous aider à lever les ressources, je ne me souviens pas qu’on ait reçu une réponse. Chaque fois qu’on leur a demandée, ils nous ont donné d’autres sujets, mais pas sur ce sujet alors qu’ils sont acteurs”, a révélé Dr Lanciné Condé, ministre guinéen du budget, à l’occasion de l’examen et l’adoption de la Loi de finances initiale 2024.

La transition guinéenne est entrée dans sa phase critique, tandis que le gouvernement peine à mobiliser les fonds nécessaires pour l’exécution des 10 étapes du chronogramme. Le retour à l’ordre constitutionnel est d’emblée compromis d’où la crainte d’un glissement de plus en plus plausible. Les efforts de la CEDEAO dans l’assistance technique et financière tardent à se concrétiser. Pendant ce temps, les acteurs politiques et de la société civile membres des Forces vives montent au créneau pour exiger le retour à l’ordre constitutionnel au plus tard le 31 décembre 2024. La crise s’annonce donc inéluctable et l’institution sous-régionale a intérêt à anticiper au lieu de se retrouver à gérer les conséquences de son laxisme vis-à-vis de la gestion de la transition guinéenne.