Le palais de Buckingham a annoncé mercredi que Charles III et son épouse Camilla effectueront une visite d’Etat au Kenya du 31 octobre au 3 novembre, le premier voyage du roi dans un pays du Commonwealth depuis son couronnement. « S’il ne vient pas pour s’excuser pour les atrocités qu’ils nous ont infligées, alors il ne devrait pas venir », a déclaré à l’AFP John Otieno, un comptable âgé de 53 ans.

Buckingham avait ajouté que la visite du roi sera aussi l’occasion entre autres d’évoquer « les aspects les plus douloureux de l’histoire commune du Royaume-Uni et du Kenya » dans les années précédant l’indépendance. Entre 1952 et 1960, plus de 10.000 personnes ont été tuées au Kenya à la suite de la révolte des Mau Mau contre le pouvoir colonial, l’une des répressions les plus sanglantes de l’empire britannique.

Après une procédure en justice qui a duré plusieurs années, le Royaume-Uni a accepté en 2013 de dédommager plus de 5.000 Kényans pour le traitement qui leur a été infligé pendant le soulèvement, pour un total de près de 20 millions de livres sterling (23 millions d’euros). « Sa Majesté prendra le temps durant la visite d’approfondir sa compréhension des torts subis dans cette période par le peuple kényan », a ajouté le palais.

« Nous espérons qu’il présentera des excuses nationales », a rétorqué Evelyn Wanjugu Kimathi, la fille du chef de la résistance Dedan Kimathi, espérant que cette visite va pouvoir permettre de « clôre » ce chapitre. « Tout le reste ira bien » après que le gouvernement britannique aura montré « sa bonne volonté » sur ce dossier, a-t-elle ajouté.

« Combattants de la liberté »
Cette femme, à la tête d’une fondation défendant les intérêts des vétérans de la guerre d’indépendance et active sur les questions environnementales, a également exprimé l’espoir que Londres allait aider son pays à localiser les tombes des « combattants de la liberté ». Cette recherche concerne également la tombe de son père, qui a été pendu en 1957 à la prison de Kamiti à Nairobi, mais dont les restes n’ont pas encore été retrouvés.

La visite du roi au Kenya, à l’invitation du président kényan William Ruto, aura lieu alors que le Kenya se prépare à fêter le 60e anniversaire de son indépendance, proclamée le 12 décembre 1963. La première visite de Charles III en tant que roi aura lieu « dans le pays dans lequel le règne de la reine Elizabeth II a commencé », en février 1952, a souligné le palais de Buckingham. Alors princesse, elle se trouvait en effet au Kenya dans le cadre d’une tournée dans le Commonwealth quand son père le roi George VI est décédé.

Plus de « maître colonial »
D’autres Kenyans ont exprimé l’espoir que cette visite va permettre d’ouvrir une nouvelle ère dans les relations avec Londres. Le roi « est le bienvenu à Nairobi, mais en tant que personne avec qui nous pouvons négocier un développement partagé, pas en tant que maître colonial », a déclaré un enseignant Kamau Njoroge, 49 ans.

« Je prie pour que cela change les problèmes que nous observons à Nanyuki », a-t-il déclaré, faisant référence aux allégations d’abus commis par des soldats britanniques dans un camp d’entraînement près de Nanyuki, une ville située à environ 200 km au nord de Nairobi. « Ils continuent de faire du mal à notre peuple à Nanyuki et restent impunis », a ajouté le comptable Otieno, faisant allusion à une autre source de tensions liée à la présence de militaires britanniques au Kenya.

En août, le Parlement kényan a lancé une enquête visant l’armée britannique, qui dispose d’une base en périphérie de Nanyuki. L’affaire la plus retentissante est celle de la mort en 2012 d’une jeune mère de famille kényane, Agnes Wanjiru, dont le corps a été retrouvé dans une fosse septique après avoir été vue vivante pour la dernière fois avec un soldat britannique.

Avec AFP